« Assumer tout le travail à deux grâce à la robotisation »
Pour compenser un handicap structurel lié à l’organisation du parcellaire, Laurent et Loïs Bouchiche ont fait le choix de la robotisation et d’un troupeau à haut niveau de production, en zone de montagne.
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Lorsque Loïs Bouchiche nous reçoit pour ce témoignage, il est 8 h 30. Tous les animaux sont déjà soignés et l’inséminateur est en train de fouiller les vaches bloquées au cornadis dans le cadre du suivi de reproduction… Pas de doute, nous sommes bien ici dans un élevage robotisé. Après l’obtention d’un Bac pro au lycée agricole de Brioude-Bonnefont, le jeune éleveur de 22 ans a concrétisé son projet d’installation en Gaec, avec son père, Laurent, début 2020. Une fois n’est pas coutume, cette installation ne s’accompagne pas d’une augmentation de la production laitière.
En zone de montagne (400 mètres), dans un système d’élevage bovin mixte lait/allaitant, il a préféré saisir l’opportunité de reprendre un bloc de terres de 40 ha qui doit permettre de sécuriser l’autonomie fourragère de l’exploitation. Il a, par ailleurs, profité de la DJA et du programme de soutien financier dédié à la modernisation des installations d’élevage, mis en place par la région, pour investir dans la robotisation de l’alimentation, afin d’améliorer le confort de travail sur une exploitation au parcellaire très morcelé. « Avec seulement 55 ha de terres labourables, nous sommes plafonnés en termes d’effectif de vaches laitières. Notre objectif consiste donc à maintenir le troupeau entre 9 500 et 10 000 litres de lait de moyenne, sans déraper sur les coûts. Les prairies les plus éloignées (jusqu’à 8 km) sont valorisées par le troupeau allaitant. »
Du zéro pâturage par manque de surface accessible
Son père, Laurent (51 ans), a pris le virage de la robotisation, dès 2008. Il était alors associé à son beau-frère. C’est à cette période qu’ils se lancent dans la conversion d’un hangar de stockage en stabulation à logettes pour le troupeau laitier. Les travaux vont durer près de deux ans et prévoient la mise en service d’un robot de traite (Lely). Dans le même temps, le droit à produire va passer de 500 000 litres à 750 000 litres de lait.
Situés en zone de collecte AOP Fourme d’Ambert, les éleveurs ont pourtant misé sur une conduite conventionnelle et la productivité laitière élevée d’un élevage de plaine. « La collecte AOP exige une surface pâturée minimale. Or, comme nous sommes limités à 13 ha d’herbe accessibles depuis la stabulation, cela impliquerait d’avoir 15 à 20 vaches en moins pour respecter le cahierdes charges, avec une plus-value limitée en raison d’un faible taux de transformation », explique Laurent. [NDLR : seule une part de la collecte bénéficie de la plus-value AOP]. En outre, les sécheresses estivales de plus en plus marquées permettent difficilement de miser sur le pâturage au-delà du 15 juin dans des sols acides à dominante sableuse. La conduite du troupeau laitier se veut donc simple et efficace : elle repose sur le zéro pâturage et la volonté de maximiser la marge au robot de traite, en saturant la stalle avec des vaches hautes productrices (65 en moyenne) conduites en vêlages étalés. Les 55 ha de terres labourables sont cultivés selon une rotation où se succèdent trois maïs, suivis d’une céréale à paille. En effet, les essais de sorgho monocoupe BMR dans les petites terres se sont révélés peu concluants, tout comme la pérennité des luzernes cultivées pures. « Dans nos conditions pédoclimatiques, le maïs ensilage reste une sécurité pour les stocks, grâce à sa capacité d’adaptation qui assure des rendements de l’ordre de 12 jusqu’à 15 t MS/ha. »
Une moyenne de 32,8 l de lait/vache et un coût alimentaire de 112 €/1 000 l
L’installation de Loïs s’inscrit donc dans la continuité de ces orientations techniques. La reprise des 40 ha, dont 7 ha labourables, permet cependant de réduire le chargement de 1,2 à 0,99 UGB/ha, dans un élevage qui complète, par ailleurs, ses stocks par de l’achat de luzerne en andain, et l’équivalent de 200 tonnes de paille par an. « Après trois sécheresses consécutives, excepté l’année dernière, cet agrandissement représentait une vraie opportunité de sécuriser notre système fourrager. »
Pour la complémentation, le tourteau de soja et la pulpe déshydratée sont achetés par contrats à terme auprès d’un négociant, avec cinq autres éleveurs. La ration de base des vaches laitières, composée d’ensilage d’herbe de première coupe et de maïs ensilage, est complétée par du maïs épi. Une option retenue pour sécuriser la densité énergétique de la ration à l’auge, dans un environnement où la réussite de premières coupes d’herbe précoces de qualité n’est pas toujours acquise. Dans tous les cas, les analyses de fourrage sont systématiques pour caler la ration. Les performances du troupeau tendent à montrer que la recherche d’un haut niveau de production à coût maîtrisé est possible en zone de montagne : en effet, lors de la dernière campagne, sur la base d’une fréquentation du robot de traite de 2,7 passages/jour, le troupeau a produit une moyenne très régulière de 32,8 litres de lait/jour (23,8 % au premier trimestre ; 24,2 % au T2 ; 26,6 % au T3 et 25,4 % au T4), avec un coût alimentaire de 112 €/1 000 l, et une consommation de 225 g de concentré par litre de lait. Ce résultat a aussi été obtenu avec la distribution de 5 à 6 repas/jour, permise par le robot d’alimentation Lely Vector, mis en service en janvier 2021 : un investissement de 240 000 €, dont 150 000 € pour le robot et 90 000 € d’aménagements (cuisine, accès bétonnés). La distribution robotisée a également nécessité l’achat d’un désil-cube dédié à l’approvisionnement de la cuisine (6 000 €). De plus, les éleveurs ont investi dans une stabulation aire paillée, permettant de regrouper toutes les vaches allaitantes sur un même site, au lieu de trois. Elle est équipée de 550 m² de panneaux photovoltaïques en toiture, gérés par une société annexe.
Une réduction de l’astreinte de deux heures/jour
« Nous avons bénéficié de 30 % d’aides sur le montant de ces investissements, hors toiture de la stabulation allaitante et panneaux photovoltaïques. Pour financer le robot, nous avons également vendu une mélangeuse de deux ans, précise Loïs. Comparé à la distribution avec la mélangeuse, le robot représente une réduction du travail d’astreinte de deux heures par jour, mais aussi une souplesse d’organisationparticulièrement précieuse au printemps, avec 40 ha d’herbe à ensiler en première coupe, suivi de 60 ha de foin. » Au total, la diminution du temps de travail est évaluée à 515 heures de travail/an (de 850 à 330 heures). La robotisation permet ainsi à une personne seule d’assumer l’astreinte du week-end, et aux associés de prendre une semaine de congé en été.
Le robot d’alimentation est dédié à 80 % aux vaches laitières et aux taurillons, avec un léger gain attendu sur le TP et les GMQ. Les aménagements réalisés sont également conçus pour lui permettre d’apporter une complémentation aux génisses en pâture, afin de soutenir leur croissance et d’avancer l’âge de la mise à la reproduction, réduisant ainsi un âge au premier vêlage de 28 mois actuellement. Le conseiller Yannick Péchuzal (Idele) a calculé sur la ferme le retour sur investissement de cet équipement. Sans surprise, celui-ci est très long et va bien au-delà de la durée d’amortissement. En revanche, si on intègre le temps économisé en lui donnant une valeur équivalente à deux Smic/heure, il est réduit à neuf ans. Un résultat qui doit être mis en parallèle avec la durée de vie de l’outil.
Jérôme PezonPour accéder à l'ensembles nos offres :